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Hanotaux, Gabriel, 1853-1944 / Histoire illustrée de la guerre de 1914
Tome 15 (1923)
Chapitre LXIX: Les objectifs limités, pp. 213-252
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LES OBJECTIFS LIMITES ayant le privilËge de franchir tous les barrages, - et j'ai souvent admirÈ la figure profondÈment pensive du grand chef, son autoritÈ sans morgue qui faisait un contraste si plaisant avec la chaleur d'Èlocution, la vivacitÈ du gÈnÈral de Barescut, sa bienveillance, son don de pro- voquer la discussion et les remarques des officiers. Le gÈnÈral PÈtain, toutefois, avait contre lui la majestÈ incroyable de son visage impassible qui, littÈralement, privait de l'usage de la parole, au premier aspect, ses subordonnÈs tant soit peu timides. Mais sa bienveillance, le soin qu'il prenait d'interroger doucement, remettait son interlocuteur ý l'aise. En revanche, il ne pouvait souffrir le verbiage, les paroles Ètourdies, les rÈflexions inutiles ou le bluff des trop hardis (I). Afin de s'entourer de tou tes les garanties dans ses prÈ- paratifs, le gÈnÈral PÈtain s'Ètait notamment appliquÈ ý donner une importance plus grande au 2e bureau, chargÈ de recueillir les renseignements sur l'ennemi. Des Ètudes suc- cessives mirent au point la con- naissance de la tactique alle- mande, spÈcialement l'emploi des groupes d'assaut, les Stros- struppen, dont on reconstitua la mÈthode au cours des com- bats du Chemin des Dames. De toute nÈcessitÈ, la grande GSNSRAL ] Instruction stratÈgique de COMMANDANT DI Joffre du i6 dÈcembre I9I6 devait se trouver modifiÈe. L'SZtat-Major se mit ý l'oeuvre et, le 27 juillet I9I7, paraissait l'ordre no 30802, rectificatif ý l'Instruction de Joffre. On supprimait l'introduction qui orien- tait le commandement vers une conception plus large des opÈrations ª. Les actions offen- sives ne sont plus envisagÈes seulement comme destinÈes ý la rupture ª, mais aussi ý l'usure ª de l'ennemi. Pour la rupture, on se tient ý la conception de janvier i9i6: sÈrie d'assauts successifs et rapides, mais prÈparÈs avec tous les moyensª et surtout une action puissante d'artillerie ª. Mais, on prÈcise: les objectifs ý enlever ne doivent pas dÈpasser la portÈe d'action des bat- (I) Jean DE PIERREFEU, G. Q. G., secteur I, P. 46. ES teries d'artillerie, celles-ci ne devant pas se dÈplacer. Les objectifs sont donc limitÈs ý l'avance aussi seront-ils successifs, chacun d'eux nÈcessitant une attaque spÈciale avec prÈparation complËte, dont la durÈe ne peut Ítre fixÈe, car l'infanterie ne devra rien entre- prendre sans Ítre appuyÈe par l'artillerie leur liaison est essentielle. Cette conception marque bien la prÈoccu- pation du dÈtail achevÈ, de la conquÍte ssre, mais forcÈment restreinte. Ce qui importe, d'aprËs la nouvelle application de la doc- trine, c'est: If de connaÓtre la situation exacte de l'enne- mi ; 2f d'obtenir, par le secret de la rÈunion des moyens, la surprise; 30 de baser l'Èche- lonnement des attaques sur les conditions du terrain; 40 de calculer la largeur de l'attaque sur le nombre des unitÈs, car la portÈe de pÈnÈtration de cha- cune d'elles est, d'avance, li- mitÈe (2). Un frein puissant Ètait mis, ý partir de ceJ jour, ý l'Èlan ESTIENNE tactique et stratÈgique que les CHARS D'ASSAUT succËs de i9i6 avaient donnÈ ý l'armÈe franÁaise. Une mÈ- thode rigoureuse par attaques courtes, brËves, successives et volontairement contenues, se substituait ý la recherche de l'extension, de la rapiditÈ, aux projets de manoeuvre envelop- pante, d'enlËvement de l'artillerie ennemie, avec reprise de la marche en rase campagne. On n'entendait plus obtenir que des certitudes par l'Ètude Ètroite du rÈel et du possible. EXSCUTION DU PROGRAMME DU 4 MAI. LES ACTIONS LOCALES On peut se faire main- tenant une idÈe de la maniËre dont la guerre sera conduite du cÙtÈ des AlliÈs, en i9i7, et (2) Voir Lucius, La refonte des rËglements et notre doc- trine de guerre (Revue militaire gÈnÈrale, i5 janvier 1922). 221
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