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Hanotaux, Gabriel, 1853-1944 / Histoire illustrée de la guerre de 1914
Tome, 1 (1915)
Chapitre VII/ Les puissances européennes: l'Autriche-Hongrie, pp. 153-[171]
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HISTOIRE ILLUSTRSE DE LA GUERRE DE I9I4 mant ainsi une unitÈ de superposition. La Hongrie, d'une part, l'Autriche, d'autre part, possËdent, l'une et l'autre, tout un systËme de gouvernement parlementaire et responsable; et, au-dessus de ces deux sys- tËmes sÈparÈs, existent trois dÈpartements communs, le ministËre de la guerre, le ministËre des affaires ÈtrangËres et le ministËre des finances qui ont, eux-mÍmes, au-dessus d'eux la personne de l'empereur d'Autriche, roi de Hongrie. Les ministËres communs n'ont affaire ni au parlement hongrois, ni au parlement autri- chien, mais aux dÈlÈgations ª, formÈes de soixante membres choisis dans chaque parle- ment et qui se rÈunissent alternativement ý Budapest et ý Vienne. C'est la complexitÈ de ce systËme, - sur lequel je n'insisterai pas davantage, - qui fait que la politique autrichienne est asservie ý la politique hongroise : car ce cheval d'atte- lage ª, Ètant le plus vif et le plus rÈtif, l'autre est toujours obligÈ de se rÈgler selon ses ca- prices. De lý, les interventions poussÈes jusqu'ý l'obstruction et ý l'Èmeute qui, malgrÈ cer- tains sentiments manifestÈs par l'empereur, malgrÈ les conseils des ministres les plus sages, Deak, Hohenwart, Badeni, Goluchowski, ont toujours fait pencher la balance du cÙtÈ anti- slave, jusqu'au jour o~, l'Èquilibre Ètant rompu, la crise des Balkans et la prÈtention d'Ècraser la Serbie ont dÈchaÓnÈ les ÈvÈnements. LES FORCES J'ai dit la principale force UNITAIRES de dissociation de l'empire austro-hongrois, ý savoir la diversitÈ des nationalitÈs et l'Ètroitesse du pacte consti- tutionnel. Il faut ÈnumÈrer, maintenant, les ÈlÈments d'union et de stabilitÈ qui font durer l'empire et lui assurent une place considÈrable, quoique secondaire ª, dans la constellation europÈenne. Ces ÈlÈments sont: la situation gÈographique de l'Autriche-Hongrie et le caractËre mÍme du peuple austro-hongrois, l'organisation de l'em- pire par la bureaucratie et la police, l'autoritÈ de la dynastie reprÈsentÈe par FranÁois- Joseph et, enfin, l'instrument de la domination et de la guerre, l'armÈe et la marine. Ce n'est pas en quelques pages que l'on peut donner l'idÈe des infinis problËmes que l'exis- tence de l'Autriche-Hongrie pose en Europe. On a souvent rÈpÈtÈ le mot : Si l'Autriche n'existait pas, il faudrait l'inventer. ª Cela revient ý dire que l'existence de l'Autriche au centre de l'Europe est un fait gÈographique: ni les lieux, ni les peuples ne disparaÓtront jamais. Toute la question est de savoir s'il appartient ý d'autres puissances de dÈcider du sort de ces rÈgions ou si les nationalitÈs qui les habitent en dÈcideront d'elles-mÍmes. On ne peut pas dire qu'il y ait un peuple austro-hongrois; il y a des peuples divers en Autriche-Hongrie; l'empereur dit mes peuples ª. PremiËre difficultÈ. Seconde difficultÈ: l'Autriche n'est pas fran- chement europÈenne, sa formation et son intel- ligence ont dÈj ý quelque chose de demi- oriental. Quand on va d'Europe en Asie, les premiers turbans apparaissent avant qu'on ait passÈ la frontiËre de l'empire ; et ce fait n'est que la manifestation pittoresque d'un Ètat de choses qui comporte des consÈquences politiques et morales d'une importance consi- dÈrable. Il faut laisser un Autrichien s'expliquer ý ce sujet : Ce qui est incomprÈhensible pour qui- conque n'est pas autrichien, Ècrivait en i871, Ferdinand Kurnberger, c'est ce qu'il y a d'asiatique en elle. L'Autriche n'est pas rÈelle- ment inintelligible : il faut la comprendre comme une espËce d'Asie. Europe ª et Asie ª sont des termes trËs prÈcis. Europe signifie: loi, Asie veut dire: arbitraire. Europe signifie: respect des faits, Asie veut dire: caprice pur. L'Europe est l'homme fait, l'Asie est ý la fois le vieillard et l'enfant. ª Le peuple austro-hongrois, reprend-il, est, ý la fois, un vieillard et un enfant. Aimable, lÈger, changeant, il a une faÁon de s'approcher en dansant de toutes choses qui fait penser ý i 6o
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