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Hanotaux, Gabriel, 1853-1944 / Histoire illustrée de la guerre de 1914
Tome 1 (1915)
Chapitre IV: L'Allemagne politique, pp. 63-[111]
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J(IST(IRE IL L STRSF Dl. LA (;[IERfl' DL 1914 l'y pousser quand l'une et l'autre crise Ècla- tËrent. Il y eut alors, dans cette carriËre d'homme politique trop complaisant ou trop aveugle, deux actes qui passeraient pour des actes de courage s'ils n'avaient pas ÈtÈ sans prÈparation et sans lendemain. Et, dans l'une et l'autre circonstance, c'est l'Empereur qui Ètait visÈ: le serviteur, le courtisan, l'ami ((l'chait ' le maÓtre. Maximilien Harden avait dÈnoncÈ, dans la Zukun/t, les faits qui contaminaient l'Alle- magne comme une nouvelle Sodome n. Le prince impÈrial avait ds porter ý la connais- sance de l'Empereur les articles visant person- nellement celui-ci. Voici dans quels termes le Chancelier dÈfend l'Empereur, tout en se dÈga- geant lui-mÍme, devant le Reichstag et devant l'opinion: Messieurs, il s'agit d'assertions gÈnÈrales non prouvÈes qui ne doivent pas Ítre rÈpÈtÈes dans cette chambre et que je repousse avec Ènergie et rÈsolution. Certes, dans la mesure o~ le procËs Moltke-Harden a Ètabli certains manquements individuels ý la moralitÈ, j'ai ressenti de cette dÈmonstration un sentiment de honte, et je ne doute pas que l'administration ne fasse tout son possible pour dÈtruire, par le fer et le feu, de telles abomina- tions. De mÍme que personne n'effleure d'un doute la haute moralitÈ et la belle vie de famille dont notre couple impÈrial donne l'exemple, de mÍme, personne ne prendra l'Allemagne pour une nouvelle Sodome... Si l'on me demande pourquoi le chancelier ne s'est pas chargÈ de l'initiative, je rÈpondrai que je n'ai connu de laits prÈcis qu'au printemps de cette annÈe, et,si je n'ai pas soumisles articles de laZukun/t ý l'Empereur, c'est que, Messieurs, une dÈ- marche semblable appartenait ý celui qui Ètait le plus prËs du trÙne. (Cela revient ý dire que le linge sale se lave en famille). Le Kronprinz a rempli, ý l'Ègard de son pËre, un acte de piÈtÈ filiale. Il agissait dans l'intÈrÍt du pays; son intervention n'avait pas un caractËre officiel. Un ministre responsable ne peut soulever des accusations aussi graves que lorsqu'il est en mesure de produire des preuves... Lorsque Sa MajestÈ m'a parlÈ, pour la premiËre fois, des attaques de la Zukun/t (donc, cet intime n'eut jamais pris de lui-mÍme l'initiative de porter le fer sur la plaie), je lui ai simplement dit qu'il fallait uniquement songer ý garder de toute souillure son blason, celui du pays et celui de l'armÈe ª. Ce sont des conseils qu'un prince, un homme ne doit pas aimer ý entendre. Le chancelier n'Ètait pas moins Ènergique, on pourrait presque dire moins cruel, dans l'affaire retentissante de l'interview du Daily Telegraph. L'incident est connu: Rappelons seulement les paroles du ministre de Guil- laume Il: La constatation que la publication de ses conversations n'a pas produit en Angle- terre l'effet que Sa MajestÈ l'Empereur en attendait, mais a fait, dans ce pays, une sen- sation profonde et une douloureuse impres- sion, -j'en ai dans ces jours difficiles acquis la douloureuse conviction - conduira Sa MajestÈ l'Empereur ý observer dÈsormais, dans ses entretiens privÈs, cette rÈserve qui est aussi indispensable pour une politique suivie que pour l'autoritÈ de la couronne. S'il en Ètait autrement, ni moi, ni aucun de mes successeurs ne pourrait porter le poids de la respon- sabilitÈ gouvernementale n. Et l'Empereur Ètait obligÈ d'accepter cette autre leÁon. Que conclure de ce double inci- dent, qui en rÈvÈlait mille autres cachÈs avec peine, sinon que le ministre, rendu plus indÈ- pendant par un riche hÈritage, Ètait las, lui aussi, de surveiller les imprudences du mo- narque et qu'il laissait ý d'autres le soin de pallier les fautes impÈriales ou d'en partager la lourde responsabilitÈ devant l'histoire. M. DE BETHMANN- Le successeur que le HOLWEG rusÈ diplomate avait dÈsignÈ, ý l'heure o~ lui-mÍme se sentait ý bout de souffle, Ètait un homme de ressources bornÈes et mÍme d'ambitions restreintes, mais un ser- viteur inclinÈ devant l'autoritÈ suprÍme, fidËle exÈcuteur de la consigne, en un mot, un fonc- tionnaire, M. de Bethman.-ii-Holweg.
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