Page View
Hanotaux, Gabriel, 1853-1944 / Histoire illustrée de la guerre de 1914
Tome 15 (1923)
Chapitre LXVIII: La crise militaire de 1917, pp. 147-212
PDF (37.4 MB)
Page 154
HISTOIRE ILLUSTRSE DE LA GUERRE DE 1914 au fur et ý mesure de notre progression, de nouvelles lignes de dÈfense. Par contre, toutes les fois o~ l'on s'est astreint ý appli- quer les Instructions des i6 et 26 janvier, d'importants succËs ont confirmÈ la valeur de la mÈthode. Ce sont, en particulier, les opÈrations du Ier corps colonial au sud de la Somme, au dÈbut de juillet; celles du 7e corps ý Bouchavesnes; du groupement Mangin ý Douaumont. C'est donc une nÈcessitÈ absolue de revenir sans retard aux rËgles rappelÈes ci-aprËs, rËgles qui ont lait leurs preuves et qui n'ont ÈtÈ modifiÈes par aucune instruction: Les attaques doivent Ítre effectuÈes sur un frontaussi large que possible, afin d'enlever ý l'ennemi la possibilitÈ de concentrer ses feux et de contrarier le jeu de ses ÈlÈ- ments rÈservÈs. C'est, d'ailleurs, ý cette seule condition que l'on peut espÈrer atteindre des objectifs ÈloignÈs. La continuitÈ du front d'attaque doit toujours Ítre rÈalisÈe en ce qui concerne la prÈparation d'artillerie; elle peut ne pas l'Ítre, exceptionnellement, pour l'attaque de l'infanterie, au cours de la progression, quand il y a intÈrÍt ý manoeuvrer pour faire tomber en les dÈbordant les points d'appui particuliËrement solides. Encore est-il presque toujours indispensable d'attaquer partout de front, en dosant soigneusement l'infanterie en fonction des zones d'avance les plus favorables. Les attaques viseront l'enlËvement de la ligne d'artillerie ennemie, afin de dÈsorganiser la dÈfense par la prise de ses canons. A cet effet, l'artillerie, contre-batterie et destruction, devra Ítre poussÈe le plus en avant possible et effectuer la prÈparation non pas seulement sur la pre- miËre position ennemie, mais sur toutes les positions sur lesquelles elle peut agir. Elle sera ainsi en mesure d'assurer, dans les meilleures conditions, l'accompagnement indis- pensable de l'infanterie par ses feux. On observera qu'il n'est pas indispensable de dÈtruire uniformÈment toutes les tranchÈes, mais surtout certains ouvrages importants: abris de mitrailleuses, ouvrages, rÈseaux de fils de fer, et de pratiquer des coupures aux points choisis. Une bonne combinaison des feux d'artille- rie avec la marche de l'infanterie permettra le plus sou- vent de s'emparer des objectifs assignÈs, mÍme s'ils n'ont pas ÈtÈ dÈtruits aussi complËtement qu'on se le proposait. Les attaques ý conduire au cours des opÈrations se succÈderont dans le plus court dÈlai, afin d'exploiter ý fond les rÈsultats obtenus et de rÈduire le plus possible le temps dont l'ennemi peut disposer. Il y aura lieu de prÈvoir et de prÈparer cette succession rapide des attaques dans un plan dÈtaillÈ, Ètabli a priori. Et pour expliquer cette directive, voici comment Joffre entend la rupture et l'exploi- tation: If Un combat de rupture se prÈsentant gÈnÈralement sous la forme d'un premier assaut minutieusement prÈparÈ contre l'ensemble des positions ennemies efficacement battues par notre artillerie, combat suivi de nouvelles prÈparations et de nouveaux assauts (on ne s'en tenait pas ý un seul et unique combat) sur les positions qui n'ont pu Ítre enlevÈes par le premier assaut; 20 Une exploitation Ènergique et audacieuse dËs que la rupture de l'organisation ennemie aura ÈtÈ obtenue. Les combats de rupture et l'exploitation sont conduits d'aprËs un plan d'ensemble arrÍtÈ par le commandement aux diffÈrents Èchelons et dÈrivant d'une idÈe de manoeuvre. L'idÈe de manoeuvre s'exprime dans le plan d'opÈra- tions. Le succËs doit Ítre recherchÈ ý la fois par la puissance et la vitesse; or, l'attaque uniforme sur un front Ètendu ne permet pas la puissance, et l'attaque des positions successives ne donne pas la vitesse. Appliquer les moyens les plus puissants dans les zones du terrain o~ la progression peut Ètre la plus rapide, tant en raison des facilitÈs de parcours qu'elles offrent ý l'in- fanterie, que des possibilitÈs d'action qu'y trouve l'artille- rie; Viser, dans la direction des objectifs que l'on veut atteindre, l'occupation des lignes du terrain sur lesquelles l'ennemi pourrait rÈtablir son front, ou celles des dÈbouchÈs nÈcessaires ý la continuation du mouvement; Tendre, par l'enveloppement de toute aile crÈÈe dans le dispositif adverse, ý l'Èlargissement du front de combat initial, et ý la destruction de la plus grande partie des forces ennemies; Telles sont les idÈes directrices qui doivent prÈsider ý l'Ètablissement du plan de toute opÈration offensive. Largeur, puissance, vitesse, manoeuvre, tels sont les quatre points de la pensÈe de Joffre; mais il les tempËre par une aptitude naturelle ý la pondÈration, ý la prÈvoyance, ý la persÈ- vÈrance, ý l'Èquilibre des ensembles. C'est ainsi qu'il entend employer les moyens les plus puissants dans les zones de terrain de parcours facile, c'est-ý-dire en plaine, qu'il exige une prÈparation d'artillerie minutieuse et toujours continue, qu'il prÈvoit de nouvelles prÈparations d'artillerie et de nouveaux assauts, qu'il recherche l'enveloppement d'une aile ennemie, et qu'il veut enfin Èviter, avant tout, qu'il y ait discordance entre le tir de l'artillerie et la marche de l'infanterie ª. Au dÈbut de dÈcembre, aprËs avoir jetÈ les bases de son plan de campagne, Joffre fit part au gÈnÈral Nivelle de son intention de lui confier le commandement du groupe d'armÈes du Nord chargÈ de l'offensive princi- pale du Ier fÈvrier I9I7. Si Joffre avait choisi Nivelle, c'est qu'il avait reconnu en lui, aprËs les succËs remportÈs ý Verdun, l'exÈcu- I54
Copyright by Gabriel Hanotaux, 1923.| For information on re-use see: http://digital.library.wisc.edu/1711.dl/Copyright