Page View
Hanotaux, Gabriel, 1853-1944 / Histoire illustrée de la guerre de 1914
Tome 15 (1923)
Chapitre LXVII: La grande crise de l'hiver 1916-1917, pp. 93-146
PDF (12.8 MB)
Page 140
HISTOIRE ILLUSTRSE DE LA GUERRE DE I9I4 ÈvÈnements militaires, on apprend que l'Alle- magne magnanime offre la paix ý ses adver- saires. Les propositions du i2 dÈcembre et l'appel au prÈsident Wilson parurent un achËvement et-un couronnement. La diplomatie allemande allait mettre le sceau aux succËs militaires; et c'Ètait la fin de toutes les misËres, - la paix. Quand il ne s'agissait, au fond, que d'une ruse stratÈgique du Grand Quartier gÈnÈral pour amorcer la guerre sous-marine, on croyait dur comme ferquel'Angleterre, terrorisÈe, et conseil- lÈe mÍme par l'AmÈrique, allait Ítre rÈduite ý capituler. Les deux initiatives simultanÈes: propositions de paix et menaces de la guerre sous-marine sans restrictions, Ètaient accueil- lies par l'adhÈsion enthousiaste de l'opinion tout entiËre. Scheidemann lui-mÍme, tout en rejetant la responsabilitÈ de la guerre sous- marine, adhÈrait au principe dans les termes les plus expressifs, comme conclusion de son exposÈ au Reichstag du 27 fÈvrier i9i7. Ce sont nos ennemis qui, en refusant nos ouvertures de paix, nous forcent ý prendre ce parti. Lloyd George est le parrain des nouvelles dÈcisions prises par les dirigeants de l'Empire en ce qui concerne la guerre sous-marine. La guerre sous-marine ý outrance a ÈtÈ vÈritablement dÈcidÈe par la confÈrence des AlliÈs ý Rome. Maintenant que cette dÈcision est prise, maintenant que la chose est en route, nous ne pouvons plus que souhaiter de tout coeur que cette guerre nous apporte bientÙt la paix. Tels Ètaient les heureux rÈsultats de l'astu- cieuse manoeuvre du Grand Quartier gÈnÈral. En fait, les choses s'Ètaient passÈes ainsi qu'il suit: dËs la ConfÈrence de Cambrai, les grands chefs militaires avaient dÈcidÈ de recourir ý la guerre sous marine sans restrictions. Mais il y avait une rÈsistance trËs forte dans le peuple, dansl'ÈlÈment civil, chez les alliÈs; tous compre- naient que l'on courait un risque terrible, ý savoir de dÈclencher l'intervention amÈri- caine. DËs le i9 dÈcembre, Lloyd George ayant prononcÈ le discours-par lequel il reje- tait les propositions de paix, Ludendorff, qui n'attendait que cela, avait tÈlÈgraphiÈ ý Beth- ilann-Hollweg qu'il n'y avait plus qu'ý pous- ser la guerre sous-marine ý fond. Hindenburg intervient de haut auprËs du chancelier, le 26 dÈcembre Dans mon tÈlÈgramme, j'avais insistÈ sur la nÈcessitÈ d'agir bientÙt Ènergiquement sur mer, parce que c'est pour moi l'unique moyen de terminer rapidement la guerre. Votre Excellence ne croit pas pouvoir encore entrer dans cette voie, mais notre sItuation militaire ne permet pas que l'on ajourne des mesures militaires qui ont ÈtÈ re- connues bonnes et que l'on paralyse ainsi l'Ènergie de la direction de la guerre. Le prenant sur ce ton, Hindenburg ne pou- vait pas ne pas l'emporter; mais le dieu de la guerre ª assumait la plus grave responsabilitÈ: il ouvrait l'outre d'1ole. La majoritÈ du Reichstag s'inclina. Bethmann-Hollweg, qui avait sa charge de responsabilitÈs, n'osa pas assumer celle de s'opposer ý une mesure rÈclamÈe d'un tel ton. En somme, ce n'Ètait pas de sa compÈtence. Le 9 janvier, une con- fÈrence eut lieu devant l'Empereur: Le len- demain, Ècrit Bethmann-Hollweg dans ses MÈmoires, la direction suprÍme de l'armÈe demanda ý l'Empereur un changement immÈ- diat de chancelier. ª Une fois de plus, le civil avait obÈi. Main- tenant, puisque Hindenburg l'avait promis, c'Ètait la victoire. Le public Ètait plein d'en- thousiasme, persuadÈ qu'il touchait au but. Mais voici que les grandes dÈsillusions com- mencent : d'abord, les derniËres journÈes, si accablantes, de la bataille de la Somme et la marche des alliÈs sur Cambrai; bientÙt la rup- ture diplomatique venant du prÈsident Wil- son, l'Ènergique dÈfense opposÈe par les AlliÈs ý la guerre sous-marine sans restrictions; enfin une nouvelle invraisemblable et qui ruine l'es- poir ingÈnu en l'infaillibilitÈ de Hindenburg et de Ludendorff, l'annonce du repli stratÈ- gique ª de Noyon sur la ligne Hindenburg. Nous allons dire ses raisons et son caractËre stratÈgique : pour le moment, ne mesurons que l'effet produit sur le public allemand. DËs le 20 fÈvrier, le bruit avait commencÈ ý circuler. La nouvelle est officielle le Ier mars. Pour les masses, Ítre vainqueurs, c'est marcher I40
Copyright by Gabriel Hanotaux, 1923.| For information on re-use see: http://digital.library.wisc.edu/1711.dl/Copyright