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Hanotaux, Gabriel, 1853-1944 / Histoire illustrée de la guerre de 1914
Tome 1 (1915)
Chapitre V: La politique des armements, pp. 112-[129]
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HISTOIRE ILLUSTRSE DE LA GUERRE DE I914 qualitÈs dominantes sont une discipline de plus en plus ferme et de plus en plus appropriÈe aux exigences de la guerre moderne, et une organisation si minutieuse et si mÈthodique qu'on peut penser qu'ý l'heure dÈcisive, les rouages joueront avec autant de prÈcision que dans le calme de la paix. ª LES MOYENS FINANCIERS Sous l'im- DU SYST»ME pression de la DES ARMEMENTS thËse du milita- risme, la nation elle-mÍme Ètait persuadÈe que cette armÈe aurait ý accomplir bientÙt l'oeuvre d'agression qui, seule, pouvait assouvir l'esprit de convoitise et de domination universelle qui s'Ètait peu ý peu dÈveloppÈ en elle. C'est pourquoi elle s'inclina, contrainte par une nÈcessitÈ supÈrieure et un instinct profond, devant les mesures draconiennes qui, seules, pouvaient permettre aux finances allemandes de faire face aux Ènormes dÈpenses des lois de I9I2 et de I9I3. Les moyens financiers nÈcessaires pour faire face ý de pareilles augmentations des forces militaires prirent le caractËre d'une vÈritable contribution en pleine paix. On recourut au procÈdÈ, pour une fois ª, d'une taxe exceptionnelle sur la fortune, taxe ÈvaluÈe, en principe, ý environ I milliard de marks. AprËs diffÈrentes modifications, suites de transaction entre le gouvernement et la commission du Reichstag chargÈe d'exa- miner le projet, cette taxe fut dÈclarÈe pro- gressive par tranches, exemptant les petites fortunes infÈrieures ý 30.000 marks et les revenus infÈrieurs ý 4.000 marks; cette taxe Ètait payable en trois versements: I9I4, fÈvrier I9I5 et fÈvrier i9i6 ; elle permettait de faire face, pendant ces trois annÈes, aux dÈpenses de la loi militaire, estimÈes ý 898 millions de marks. En outre, le gouvernement demandait au parlement le vote de divers impÙts d'Empire, d'un caractËre permanent et, notamment, d'un impÙt sur l'accroissement de la fortune (Besitzteuer/ qui prenait le caractËre d'une vÈritable taxe sur les successions. Pour ces deux formes d'impÙt, la contribution non renouvelable et la taxe sur la fortune, le gou- vernement n'hÈsita pas ý faire alliance avec le parti socialiste; celui-ci Ètait trop heureux de l'occasion qui se prÈsentait ý lui de frapper la richesse acquise, de tenir le capital et l'Èpar- gne sous sa coupe et, surtout, d'ouvrir une brËche dans l'alliance du gouvernement et des partis conservateurs. Le gouvernement eut l'habiletÈ dangereuse d'unir le vote des deux lois, la loi militaire et la loi financiËre, et, ainsi, il emporta les deux ý la fois, en faisant passer la loi militaire par la loi financiËre et la loi financiËre par la loi militaire. On a dÈcrit, dans des termes impres - sionnants, la sÈance du Reischtag o~ le parlementarisme allemand, guidÈ et presque contraint par ses chefs, fit dÈlibÈrÈment ce saut vers l'inconnu. Des sonneries incessantes annonÁaient les votes, et les appels graves des sirËnes, obligeant, ý chaque instant, les dÈputÈs ý interrompre leurs conversations particuliËres pour se rendre aux appels nominaux, donnaient ý la salle des sÈances l'aspect de l'entrepont d'un navire au moment du branle-bas de combat. ª Il y eut bien quelques protestations, notam- ment de la part des Stats confÈdÈrÈs, qui voyaient, dans le vote de ces impÙts d'Empire, une diminution de leur autonomie financiËre. On remarqua la dÈmission du gÈnÈral von Heeringen, ministre de la Guerre, qui, en i9ii et i9i2, avait affirmÈ, par deux fois, que l'armÈe Ètait prÍte. On reconnaissait, ý ce dissentiment, que la loi exceptionnelle de I9I3 Ètait due ý l'initiative du grand Etat-major et du cabinet personnel de l'Empereur * c'Ètait donc une loi du prince. Le sacrifice fait au parti socialiste pouvait avoir, sur l'avenir politique et sur la stabilitÈ Èconomique de l'Empire, les plus graves rÈpercussions. Le Worwaerts Ècrivait * Le peuple allemand sait maintenant que le gou- vernement devra cÈder au Reichstag chaque fois que celui-ci saura vouloir sÈrieusement... 12 1
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